Dialogue avec moi-même (B. Dufeu)
- Que signifie Ouflepo pour toi ?
- Avant d’entrer dans la composition de ce mot, je pense qu’il est bon de retourner aux sources de l’Oulipo afin de mieux en comprendre l’orientation originelle, car celle-ci peut nous guider dans sa transposition à l’enseignement du Français Langue Étrangère. François Le Lionnais, co-fondateur en posant les jalons de l’Oulipo lui donnait deux directions principales : « Il y a deux littératures potentielles : une analytique et une synthétique. La LiPo analytique recherche des possibilités qui se trouvent chez certains auteurs sans qu’ils y aient pensé. La LiPo synthétique constitue la grande mission de l’OuLiPo : il s’agit d’ouvrir de nouvelles possibilités inconnues des anciens auteurs. » J. Bens : Oulipo, atlas de littérature potentielle. Paris Gallimard, 1981, p.22.
L’approche analytique se tourne vers le passé et recherche les « plagiaires par anticipation », ceux qui ont créé des techniques (re)découvertes des années ou des siècle plus tard par les Oulipiens (cf. Les Djinns de Victor Hugo et la technique de la boule de neige créée par les Oulipiens est un exemple parmi d’autres).
Une des tâches de l’Ouflepo consiste donc à présenter des pédagogues qui ont marqué notre discipline en tentant de travailler autrement que les grands courants de leur époque et à rappeler à notre bon souvenir des enseignants, mais aussi des chercheurs d’autres disciplines qui sont tombés ou tombent dans l’oubli et qui aujourd’hui encore peuvent inspirer notre profession.
L’approche synthétique se tourne vers la création de procédures ou d’activités qui peuvent stimuler l’enseignement des langues. Notre domaine d’action se prête à cette direction, car parler c’est créer.
- Venons en aux composants de « Ouflepo » !
Ou- pour Ouvroir. En quoi un ouvroir de l’enseignement du Français Langue Étrangère peut-il avoir sens aujourd’hui ?
- Ouvroir insiste sur le côté laborieux, le côté créateur, le travail artisanal. L’Ouflepo propose à cette fin un lieu de rencontre, il invite à l’ouverture vers d’autres approches pédagogiques, il exhorte à la diversité face aux courants dominants, mais il engage aussi à la création d’activités pour élargir et enrichir ces courants.
- Et Oufle ?
- Oufle ! La langue française est, entre autres, porteuse de valeurs dont celle de liberté et celle-ci commence dans et par l’éducation. Oufle est un appel à la flexibilité dans l’enseignement, une incitation à ne pas se laisser enfermer derrière les barreaux des échelles dites de compétences, une exhortation à cesser de vouloir tout planifier, tout ordonner, de vouloir enseigner dans l’ordre, comme si les participants apprenaient dans l’ordre. Il s’agit donc de redonner sa place au présent et aux personnes en présence, plutôt que les focaliser vers un apprentissage fonctionnel en vue d’un emploi dans un futur que personne ne connaît. Oufle invite à souffler sur les braises de la spontanéité créatrice, à redonner au langage ses fonctions premières (expressives, communicative et symbolique), car la langue est vie et, avant d’être moyen de communication à l’extérieur, elle est moyen de rencontre entre les participants du groupe en présence. Oufle engage à réintroduire la notion de plaisir face à celle de devoir et de contrainte, à stimuler le désir, catalysateur de la motivation. Il propose d’accorder une place substantielle à l’imaginaire qui permettra tout aussi bien que le fonctionnel de maîtriser l’utilitaire. Il convie au sourire face au sérieux des référentiels et des inventaires. Il appelle également à l’impertinence pour remettre en cause certaines évidences qui n’ont comme seul fondement que leur appartenance à la tradition. Oufle porte en lui un souffle qu’il nous appartient d’entretenir et d’amplifier.
- Et po ?
- Le potentiel est là, c’est à nous tous de joindre nos efforts pour le développer et d’élargir le champ des possibles.
Bonne route… à nous tous et à chacun.